W comme … Worms

Ville chargée d’histoire située sur la rive gauche du Rhin, en Rhénanie-Palatinat, Worms fut au cœur de la légende des Nibelungen. Et plus concrètement, la ville fut aussi l’un des principaux foyers de la vie juive de la vallée rhénane avec ses voisines Spire et Mayence. À tel point que ces trois villes ont donné le nom de Schum, tiré de l’acronyme de leurs initiales SWM.

Au Moyen-Age, la communauté juive de Worms a été massacrée pendant la première croisade. 800 juifs, réfugiés auprès de l’évêque, furent ainsi massacrés par les croisés sur la route de Jérusalem. La communauté s’est redéveloppée ensuite, sans heurts majeurs même si la vie ne fut jamais un long fleuve tranquille : port de la rouelle et autres obligations humiliantes, expulsion de Worms en 1615 (avant d’être autorisés à revenir dès 1616), sac de la ville par les Français,…

Mais la communauté se développe et Worms accueille au 16e l’une des principales communautés de l’Empire (avec Francfort).

Vue de Worms, telle que représentée dans une synagogue de Lituanie (actuellement en Biélorussie), construite en 1740 et détruite en 1941 (©mahj / Niels Forg)

Concernant cette vue de Worms, le Mahj précise : « Sur ce panneau, un dragon menace une ville identifiée en hébreu comme celle de Worms, la partie droite étant occupée par l’arbre de vie. Cette image du dragon assiégeant Worms, issue des Nibelungen, proviendrait d’une proximité phonétique avec l’allemand Wurm, littéralement « ver ». L’artiste en présenterait une version juive puisée dans les Mayse Nissim, contes merveilleux de Yuspa Shammes de Worms (1604-1678), publiés pour la première fois en 1696 à Amsterdam, racontant comment la ville, objet de persécutions, aurait été punie du refus de ses sages en exil de rallier Jérusalem, à l’appel du scribe Ezra. »

Drapeaux au nom des villes du « Schum » classées par l’Unesco, devant l’hôte de ville de Worms (photo ©SurNosTraces)

Le Schum (et ses 3 villes dont Worms) vient d’être classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Worms conserve un très riche héritage de son passé juif, notamment un des plus vieux et des plus importants cimetières juifs d’Europe, le célèbre Heiliger Sand, miraculeusement épargné par la seconde guerre mondiale.

L’ancien quartier juif de Worms n’a pas eu cette chance et à été rasé pendant la guerre, et en partie reconstruit à l’identique depuis. La Judengasse reprend donc le tracé ancien du quartier juif historique tel que conservé dans les archives. Sur le plan de 1760 on voit le nom de certains habitants, dont plusieurs familles Dalsheim(er), lointains cousins.

Plan du quartier juif de Worms en 1760 (©Stadtarchiv Worms)
La Judengasse de Worms en 2021 ©SurNosTraces

Plusieurs sources sur la communauté juive de Worms sont intéressantes pour des recherches généalogiques, en particulier :

Le Memorbuch de Worms

L’original est aujourd’hui perdu, mais il avait été édité en 1887 à Berlin dans une revue savante, Kobez-al-Yad, en hébreu. Le Memorbuch ne contient pas de décès d’enfant, et n’y figurent pas tous les adultes, mais les membres importants de la communauté (rabbins, parnassim) et les membres de la confrérie de ce Memorbuch.

Grüne Buch de Worms

L’original est perdu (dernière guerre) mais il avait été recopié par un historien juif allemand (Rosenthal) dans les années trente ; son travail a été déposé à New-York. Ce Buch contient la comptabilité annuelle de la communauté, les ventes de places à la synagogue, les mitsvot de chaque année et des listes de décès exhaustives (enfants compris). Cela démarre vers 1560 et va jusqu’à 1800 environ.  

Le chercheur érudit Pascal Faustini possédait les relevés de ces deux documents et m’a été d’une grande aide dans mes recherches sur Worms. Son fonds d’archives a été légué au Cercle de Genéalogie Juive qui doit donc disposer de ces documents.

D’autres document existent comme certains recensements des juifs de Worms, et bien évidemment l’état civil. Petite curiosité, celui-ci a la particularité d’être en Français pendant la période du premier Empire, quand Worms faisait partie du département français du Mont Tonnerre.

Recensement des juifs de Worms au 16e siècle (Musée juif de Worms, photo ©SurNosTraces)
Exemple d’acte d’état civil de Worms, en français en 1810 : mariage de Moise Dalsheim et Amélie Dalsheim

Une balade dans Worms révèle enfin de nombreuses Stolpersteine, des pavés du souvenir ancrés dans le sol aux endroits où vivaient des personnes exterminées pendant la seconde guerre mondiale, rappelant leurs noms et leur mémoire.

Stolpersteine de Worms, familles Tuteur et Mayer (©SurNosTraces)

La rédaction de cet article m’a permis de découvrir l’intérêt de Victor Hugo pour le riche passé de Worms, au delà de la communauté juive :

Ayez donc été ville impériale ! Ayez eu des gaugraves, des archevêques souverains, des évêques princes, un pfalz, quatre forteresses, trois ponts sur le Rhin, trois couvents à clochers, quatorze églises, trente mille habitants !

Ayez été l’une des quatre cités maîtresses dans la formidable hanse des cent villes ! Soyez, pour celui qui s’éprend des traditions fantastiques comme pour celui qui étudie et critique les faits réels, un lieu étrange, poétique et célèbre autant qu’aucun autre coin de l’Europe !

Ayez dans votre merveilleux passé tout ce que le passé peut contenir, la fable et l’histoire, ces deux arbres plus semblables qu’on ne pense, dont les racines et les rameaux sont parfois si inextricablement mêlés dans la mémoire des hommes !

Soyez la ville qui a vu vaincre César, passer Attila, rêver Brunehaut, marier Charlemagne ! Soyez la ville qui a vu dans le jardin des roses le combat de Sigefroi Le Cornu et du dragon, et devant la façade de sa cathédrale cette contestation de Chrimhilde d’où est sortie une épopée, et sur les bancs de la diète cette contestation de Luther d’où est sortie une religion ! Soyez la Vormatia des Vangions, le Bormitomagus de Drusus, le Wonnegau des poètes, le chef-lieu des héros dans les Niebelungen, la capitale des rois francs, la cour judiciaire des empereurs !

Soyez Worms !

Victor Hugo, Le Rhin, lettres à un ami, Lettre XXVI

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