Comment se construire quand on sent confusément, intensément, que son père n’est pas forcément le sien ? Comment « tuer le père » quand on n’en a pas ? C’est ce récit d’une absence et d’une quête existentielle qu’aborde le livre « Rêver le père », Toute une vie pour se libérer d’une absence de Nadine Van der Tol (éditions de l’Harmattan, 2024).

Ce livre intime, sensible, retrace cette (en)quête personnelle sur la recherche du père. Ce n’est pas un livre de généalogie, même si il effleure évidemment le sujet de la famille et des ancêtres. Et pas n’importe quels ancêtres ! L’auteur étant la tante de ma femme, cela concerne donc mes « beaux-ancêtres », que j’ai l’impression d’avoir adopté depuis un certain temps déjà. On y croise notamment Rachel que j’ai eu la chance de connaître dans ses vieux jours, matriarche de la famille, reine de la tchoutchouka, et » mémé bisous » débordante d’affection pour les enfants. Déjà croisée sur ce blog dans ces articles sur Mogador et sur une ketouba de la famille. Les racines de cette branche plongent en effet au Maroc, à Mogador (aujourd’hui renommée Essaouira).
» Au commencement était Essaouira et cela était bon pour mes ancêtres. »
Petit clin d’oeil aux relents bibliques ! Nadine est la fille de Rachel Benlolo, mogadorienne déracinée dans sa jeunesse qui a quitté son Maroc natal pour rejoindre en France son mari Pierre Dalsheimer rencontré à Casablanca. Belle rencontre et sacré choc des cultures entre cette séduisante pauvre séfarade marocaine et cet élégant français cultivé d’origine ashkénaze.




Rachel se retrouve à Paris, Porte de Clignancourt, rapidement délaissée par son mari qui a retrouvé un autre amour de jeunesse. Humains trop humains. C’est dans ce contexte qu’est née Nadine, 3e et dernière fille de Rachel. Mais son père ne lui témoignera jamais la même affection qu’à ses deux sœurs. Eclaircir ce malaise et ces non-dits sera le travail d’une vie. C’est cette quête existentielle du père qu’aborde ce livre. Au-delà des secrets de familles, au-delà des tests ADN généalogiques, cette quête interroge la notion de père sous toutes ses coutures.

Ce livre est une quête très personnelle du père et plus largement de la figure paternelle, recherchée par l’auteur à travers les différents hommes marquants de sa vie. Mais cette approche dépasse l’autobiographie et parlera sûrement à toutes celles et ceux confrontés à un vide paternel brûlant.
» Cette histoire est également en filigrane celle de tous ceux qui sont en quête d’un parent absent ou défaillant. C’est aussi le récit des enfants nés dans l’obscurité et qui ont grandi sans paroles structurantes les aidant à comprendre le mystère de leur naissance. De tous ceux à qui l’on a refusé ce qui leur appartenait : connaître leur histoire. Le droit de savoir de qui et de quoi nous sommes les enfants. »
Ce travail d’écriture semble avoir une dimension thérapeutique pour venir clore avec sagesse un long travail d’analyse et se libérer d’une absence longtemps restée dévorante. Ce petit livre s’avère au final un beau témoignage d’optimisme. On n’a pas tous la même main au départ, mais la partie peut être très belle.
Une rencontre publique a eu lieu en septembre dernier dans les locaux de son éditeur L’Harmattan pour présenter et partager cet ouvrage. Bravo Nadine !
