Pour cette lettre J du ChallengeAZ 2024, c’est sur la trace de pas moins trois Jacob que je vous invite. Cette fois ce n’est pas dans les registres militaires que je les ai découverts, mais dans les registres des hôpitaux de Paris. (Soit dit en passant, bravo et merci à l’APHP pour cette mise en ligne !)
1814, Paris envahi
Des armées napoléoniennes soignées dans les hôpitaux de Paris, on n’avait jamais vu ça avant la Campagne de France de 1814. Pour la première fois, la France se battait sur son sol après avoir perdu sa Grande Armée en Russie. Campagne marquée par encore quelques belles victoires (Montmirail par exemple), mais surtout par une supériorité écrasante du nombre de soldats coalisés. Paris se voit envahie et capitule le 31 mars 1814. Napoléon abdique et les hôpitaux de Paris se remplissent de soldats blessés ou malades. Parmi eux beaucoup sont atteints du typhus qui avait frappé ces armées affaiblies dans leur retraite vers Paris.

Trois Juifs prussiens à l’Hôtel Dieu
Le 3 mai 1814, les registres de l’Hôtel Dieu indiquent l’accueil d’une vingtaine de personnes, dont 3 m’intriguent : Marcus Jacob (32 ans), Abraham Jacob (28 ans), et Leyser Jacob (22 ans). Tous trois « cantiniers au 11e régiment de chasseurs » et originaires de Bromberg en Prusse (actuellement Bydgoszcz, au coeur de la Pologne d’aujourd’hui). J’ai assez peu de doutes sur le fait que ces 3 personnes étaient juives, peut-être même frères. J’ai plus de mal à savoir avec certitude de quel côté étaient ces cantiniers qui ont suivi et servi leur armée jusqu’à Paris. Bien sûr l’Hôtel Dieu accueillait en 1814 des blessés de toutes les armées, ennemis d’hier réconciliés par la blessure et la maladie, quels que soient leur unité, leur pays d’origine, leur religion.
Cette journée du 3 mai a accueilli principalement des soldats de l’armée de Napoléon. Peut-être ces 3 Jacob ont-ils à un moment croisé la route de la Grande Armée et ont décidé de la suivre, séduits par l’idéal d’égalité et d’émancipation des juifs, l’accompagnant alors comme « cantiniers » ? J’ai bien conscience que ce n’est sûrement qu’une vue de l’esprit romantique et une fiction idéalisée. Pas sûr que les armées françaises auraient accepté des Juifs prussiens pour les accompagner même comme cantiniers. Ils auraient sûrement été perçus au mieux comme de possibles espions. Ces 3 Jacob faisaient très certainement partie du camp prussien qui venait d’envahir Paris. Deux autres cantiniers de leur régiment les accompagnaient, dont l’un vraisemblablement juif également, un certain Salmon Marko de Cardonna (?) en Prusse. Bizarrement aucune femme parmi ces cantiniers, pour un métier pourtant plutôt souvent imaginé au féminin.
Arrivés le 3 mai 1814 et soignés pour « fièvre » (typhus ?), nos cantiniers sont tous repartis rapidement quelques jours plus tard, les 6 et 7 mai. Je n’ai pas trouvé à Paris d’autre trace de leur passage. On peut espérer qu’ils auront eu la force de regagner leurs pénates, à 1 300 km à peine de Paris… Bonne route !

J’ai des ancêtres vivandiers, dans le même genre !
Ah oui ?! Quelle époque ?
Ancien régime. Très difficile à suivre ce genre de famille !