Mes recherches sur les soldats juifs de Napoléon m’ont fait croiser quelques personnages aux parcours hors du commun. Parmi eux, un ancien soldat devenu chef de claque, personnage clé de l’opéra de Paris pendant 20 ans au milieu du 19e siècle. Bienvenue sur les traces de Cerf Levy, alias le Père David.
Cerf Levy est le beau frère de David Lion, hussard miraculé des neiges de Russie.
Cerf Levy, récemment revenu à la vie civile, épouse à Versailles le 22 décembre 1814 Marianne Lion. Né à Paris en 1793, fils de David Levy et de Marianne Simon, il s’était engagé volontairement à la Mairie de Paris le 19 novembre 1812 comme voltigeur au 22e régiment d’infanterie de ligne. Nommé caporal, puis sergent le 18 décembre 1813, il participa à la campagne d’Allemagne de 1813 et fut blessé à la bataille de Hanau (où il dut combattre aux côtés de mon lointain aïeul Jonas Dalsheim), comme le précise son dossier de la Médaille de Sainte-Hélène reçue en 1857.
Cerf Levy devient à partir de 1840 chef de claque à l’Opéra, fonction dans laquelle il acquiert une réelle célébrité sous le surnom de « Père David ». C’était un rôle important dans l’Opéra de l’époque, qui consistait, grâce à une équipe mélangée au public, à le faire applaudir, rire ou s’émouvoir aux moments les plus opportuns d’une pièce. Une espèce de chauffeur de salle !
De nombreux journaux et ouvrages d’époque parlent de lui : « Le chef de claque de l’Opéra, M. David, est un petit monsieur brun, court, assez bien mis. C’est au café Favart, vis-à-vis l’entrée des artistes de l’Opéra-Comique, que cet important personnage tient son petit cénacle ». Il faut se souvenir qu’il ne s’agissait pas encore de l’opéra Garnier tel qu’on le connaît, mais d’un autre bâtiment situé rue Le Peletier, tout proche donc du café Favart.
En 1860, Le Figaro écrit : « L’habile chef de claque de l’Opéra, M. David, se retire, dit-on, des affaires (…). Il se tromperait du tout au tout celui qui s’imaginerait que le premier venu est capable de remplacer M. David dans ses fonctions délicates et difficiles. Le chef de claque d’un théâtre comme l’Opéra, pour être vraiment à la hauteur de sa situation, doit réunir une foule de qualités supérieures. Il eût pu être tout aussi bien un grand diplomate, un grand capitaine, ou un grand ministre. On assure que M. David travaille à ses mémoires et qu’il les publiera, aussitôt qu’il sera rentré dans la vie privée ».
Ces mémoires ne virent manifestement jamais le jour. Une « Note sur le service de la claque à l’opéra » datée de 1861 et conservée aux Archives nationales, confirme que « David Cerf, le chef actuel du service, remplit toutes les conditions désirables, il est intelligent, expérimenté, exact, et n’a jamais donné lieu à aucune plainte sérieuse. » Cerf Levy et Marianne Lion eurent au moins trois enfants : Siméon (1821-1880), Florence (1825-1869) et Henriette (1826-1909). Après le décès de Marianne Lion en 1834, Cerf Levy épouse le 1er août 1861 à Versailles Laure Brunette Veil, originaire de Thionville, avec laquelle il avait eu deux filles, Joséphine (née en 1858 à Paris) et Adèle (née en 1859 à St Germain-en-Laye). Cerf s’éteint à 90 ans à Paris, le 10 décembre 1883.
Les archives de l’Opéra conservent son portrait (disponible sur Gallica), ce qui permet également d’identifier ce personnage dans certaines gravures de presse.
Tomber sur des collatéraux remarquables, toujours un plaisir !
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