B comme … Brûlez le Palatinat !

Notre cher Louis XIV n’aimait pas seulement enfiler ses collants pour aller au bal dans la galerie des glaces. Il aimait aussi beaucoup faire la guerre. Trop avouera t il. Une distraction qui l’aura occupé une grande partie de son grand règne et qui n’aura pas été sans conséquences ni sur ses voisins ni sur mes ancêtres originaires du Palatinat.

Le Palatinat ? C’est un petit bout de terre qui fait partie du Saint Empire Romain germanique, coincé sur la rive droite du Rhin, très/trop près du remuant voisin français. Le Palatinat (“Pfalz” dans la langue de Henrich Heine) a déjà bien souffert début 17e lors de la guerre de 30 ans entre catholiques et protestants. 

Le sac du Palatinat, erreur stratégique de Louis XIV

Et voilà que fin 17e, Louis XIV remet ça en réclamant ce territoire dont il estime devoir hériter. Il lance une offensive militaire en 1688-1689 particulièrement violente, connue sous le nom de “Sac du Palatinat”. Les troupes françaises commandées par Mélac, obéissant aux instructions du ministre de la guerre Louvois, s’illustrèrent par la brutalité avec laquelle elles ravagèrent de larges portions de l’électorat du Palatinat du Rhin. Chargé par Louvois de dévaster le Palatinat (« brûlez le Palatinat ! »), Ezéchiel du Mas, comte de Mélac fit systématiquement mettre à feu et à sang Mannheim, Heidelberg, Pforzheim, Spire, Baden-Baden, Worms, Oppenheim, Durlach et plusieurs autres villes et villages. Ces actes consacraient la stratégie française de démantèlement des villes et de désertification des territoires envahis.

Le général Mélac, en charge de la destruction du Palatinat (source Internet)

Dans l’ouest de l’Allemagne, le nom de Mélac reste synonyme depuis des siècles d’incendiaire meurtrier (« Mordbrenner »), et les habitants du Palatinat le maudissent. Il n’était pas rare, encore au XXe siècle, que les Allemands appellent leur chien Mélac. 

Cette destruction du Palatinat est considérée comme l’une des plus graves erreurs stratégiques du roi de France (avec la révocation de l’Edit de Nantes, dans un autre genre) puisque la plupart des princes allemands se rallient à la bannière du Saint-Empire Habsbourg et renforcent par la même occasion le parti anti-français en Europe. Louis XIV fut contraint de restituer le Palatinat en 1697 lors du traité de Paix de Rijswijk.

Worms en flammes en 1689, incendiée par les Français. Et quelque part sur ces bateaux, notre ancêtre Isaac qui fuit la ville avec son fils Daniel de 5 ans

Le sac du Palatinat, cause du départ de mes ancêtres vers ce qui sera un jour la France

Mais en attendant le mal était fait, et ces ravages entraînèrent la fuite de nombreuses populations civiles, y compris les communautés juives de ces villes. Parmi elles, la famille Dalsheim originaire du village voisin de Dalsheim et résidant à Worms, sur les bords du Rhin au coeur du Palatinat, fut contraint de quitter cette ville pour s’installer un peu plus loin, près de Sarreguemines.

On en retrouve la preuve dans un recensement des juifs réalisé vers 1705 : « Etat des familles juives établies dans l’étendue du grand bailliage d’Allemagne tant auparavant le traité de Riswisck, de l’heureux retour de Son Altesse Royale, qu’après ».

Le premier individu recensé est notre ancêtre : «  A Sarreguemines, en la ville du dit lieu, Isaac Dalsheim, natif du dit lieu Dalsheim près de Worms, estably depuis quatorze ans à Blidestroff « . Ainsi vers 1705, notre ancêtre Isaac Dalsheim est installé à Grosbliederstroff près de Sarreguemines depuis environ 1691, juste après le sac du Palatinat.

Source : Archives Départementales de la Meurthe-et-Moselle, cote 3 F 502, 1


« J’ai trop aimé la guerre… » furent parmi les derniers mots de Louis XIV. Et le sac du Palatinat est aujourd’hui reconnu comme une énorme erreur à la fois sur le plan moral, stratégique et politique.

S’il paraît qu’à toute chose malheur est bon, cette destruction aura au moins mis Isaac Dalsheim sur la route et la voie de mes ancêtres et inspiré ce blog Sur nos Traces.

11 commentaires

  1. Pouvoir retracer la migration de ses ancêtres est une chose précieuse, en connaître la cause est encore mieux ! Même si ce n’est pas toujours joyeux…

  2. […] Au Moyen-Age, la communauté juive de Worms a été massacrée pendant la première croisade. 800 juifs, réfugiés auprès de l’évêque, furent ainsi massacrés par les croisés sur la route de Jérusalem. La communauté s’est redéveloppée ensuite, sans heurts majeurs même si la vie ne fut jamais un long fleuve tranquille : port de la rouelle et autres obligations humiliantes, expulsion de Worms en 1615 (avant d’être autorisés à revenir dès 1616), sac de la ville par les Français,… […]

  3. Pour suivre l’Histoire il faut avoir une longue haleine. Et si en plus on s’y trouve mêlé/concerné, on n’a qu’une hâte que d’y voir de plus en plus clair. Je tire mon chapeau devant votre oeuvre. Je vous promets quelques « grains » de mon violon d’Ingres: l’histoire de mon pays: Worms, Frankenthal et les pays aux alentours.

    • Merci pour votre commentaire. Petit clin d’oeil, Abel est également le prénom de mon fils aîné, que l’on aperçoit justement (de dos) sur mon article dédié à Worms 🙂

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