Pour cette lettre X du ChallengeAZ dédié aux soldats juifs de Napoléon, partons sur les traces d’un polytechnicien, Mathias Mayer Dalmbert.
Petit-fils de Cerf Berr
Ce jeune alsacien est né le 27 décembre 1786 à Mutzig (Bas-Rhin), fils de Mayer Lazare Aron (1752-1826) qui prit le nom de Dalmbert en 1808, et de Reitz Rosette CERF-BERR (1760-1809). Il s’agit d’une famille aisée et influente. Le grand-père maternel de Mathias était le célèbre Cerf Berr (1726-1793), principal représentant du judaïsme alsacien sous l’Ancien Régime, à la fois riche financier, homme politique, philanthrope et « Préposé général de la nation juive ». Le père de Mathias a fait réaliser pour son célèbre beau père l’arbre généalogique de cette famille, conservé au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme :

(photo © mahJ / Christophe Fouin)

On voit au pied de cet arbre un Cerf, et un Berr (Ours en allemand même si là j’avoue qu’il ressemble plus à une marmotte), symboles de cette famille CerfBerr, et originellement symboles de deux tribus d’Israel.

(source dossier SHD 2YE 2797, photo SurnosTraces)
Un début prometteur à Polytechnique
Sa famille quitte l’Alsace pour monter sur la capitale vers 1803. Le jeune Dalmbert entre à l’école Polytechnique et en sort en 1806 sous lieutenant au 2e régiment de hussards. Il fait avec son régiment la campagne de Pologne, notamment engagé à Friedland, avant d’être envoyé en Espagne.
Une carrière militaire contrariée
Ses ennuis commencent en Espagne. Il y reste 14 mois, mais y tombe sérieusement malade et se fait voler ses affaires par les insurgés.
« N’ayant pu supporter le climat, étant tombé dangereusement malade, joint à cela les fatigues de la guerre, il quitte Saragosse le 7 février 1809 par évacuation d’hôpital ». Il obtient alors un congé de convalescence de deux mois « pour se rendre au dépôt du 2e hussards à Maastricht, en attendant la saison des eaux minérales nécessaires à son rétablissement« . Il est ensuite autoriser à rester à Paris pour y « prendre les eaux minérales de Tivoli dont il a besoin pour sa maladie« .
Le Tivoli était à l’époque un vaste jardin et parc d’attractions parisien, situé près de l’emplacement actuel de la gare Saint Lazare. Il comprenait notamment un établissement de soins d’eaux thermales.

« Il espère pouvoir reprendre bientôt son service, mais la crainte de voir renouveler sa maladie en rejoignant le 2e hussards en Espagne lui fait désirer son changement de corps. La perte qu’il a faite de tous ses effets d’ordonnance pillés en Espagne par les insurgés le porte à demander d’être attaché de préférence à un régiment de chasseurs dont l’uniforme est moins dispendieux que celui des hussards. »
A l’issue de son congé, il reçoit l’ordre de prendre à Lyon le commandement d’un détachement du 23e régiment de chasseurs, « à l’effet d’y recevoir 200 chevaux de remonte ». Petit hic, il n’a jamais reçu cet ordre car il était déjà reparti prendre les armes sans attendre la fin de sa convalescence. Son frère Joseph explique :
« Mon frère, guidé par l’amour de la patrie, aussitôt qu’il eut connaissance que l’armée française était aux prises avec l’ennemi, n’attendit pas l’expiration de son congé et il est parti depuis six semaines malgré sa convalescence, ne consultant que son courage et croyant remplir ses devoirs il se rendit en Allemagne, à ses frais, dans les escadrons de guerre ».
Mathias expliquera lui-même un peu plus tard : « le désir de partager la gloire de mes camarades l’emporta sur les soins qu’exigeaient ma santé, je partis avant l’expiration de mon congé et j’eus le bonheur de me trouver aux dernières affaires de la mémorable campagne d’Autriche« .
Mais sa santé reste fragile. Il poursuit : « Le 13e régiment de chasseurs dirigé en Hollande, mes infirmités se renouvelèrent avec des symptômes qui ne laissaient aucun doute sur un vice radical dans ma santé. Je gardai le lit près de trois mois. « En 1811, il est jugé « hors d’état de continuer ses services ». Son certificat médical confirme : « Monsieur Dalmbert porte aux deux jambes de nombreuses cicatrices suite d’ulcères de mauvaise nature qu’il a contractés dans une des campagnes d’Espagne et qui l’ont obligé à quitter ce pays. Il a aussi la poitrine si faible qu’il ne peut faire aucun commandement dans les manœuvres sans éprouver un sentiment d’anxiété suivi d’une toux sèche plus ou moins violente ». Pas top pour un officier même s’il explique souhaiter « reprendre du service lorsque ma santé me le permettrait car je n’ambitionne rien tant que d’être utile à sa Majesté et à ma patrie ».
Sauveur de maréchal d’Empire
Son dossier d’officier indique cependant qu’il est resté à l’armée et a même fait la campagne de Russie. Lui qui se plaignait à propos de l’Espagne que « le climat de cette péninsule était extrêmement contraire à ma santé« , il a du être ravi du climat russe…
En tout cas le maréchal Oudinot lui doit une fière chandelle, sauvé par Dalmbert juste après le passage de la Berezina. Oudinot témoigne en sa faveur : « le 29 novembre 1812, blessé dangereusement et retenu dans une baraque du village de Plesczenitys [Pleshchenitsy, à une 40aine de km à l’ouest de la Berezina], le sieur Mayer Dalmbert fut un de ceux qui contribuèrent à m’y protéger contre la horde qui vint m’y attaquer et que ceux qui se réunirent à lui pour m’y défendre s’y sont conduits avec valeur et dévouement ». (témoignage de Oudinot, duc de Reggio, le 12 janvier 1827).
Fondateur d’une prépa … Polytechnique
Toujours attaché à Polytechnique, Dalmbert fonde à la Restauration une école préparatoire avec un certain succès : « depuis 3 ans, 65 élèves de son établissement ont été admis à l’école Polytechnique« . Située 269 rue Saint-Jacques à Paris 5e, il s’agissait d’une Institution de premier ordre composé de 160 élèves et fournissant, chaque année, un quart des élèves de l’Ecole.

(@Carnavalet)
En 1817 Mathias commence la publication de l‘Israélite français, le premier périodique israélite en France, qui ne dura que deux années. Mais il se convertit au christianisme en 1821 avant d’épouser Cécile Flore POUPART.
Chevalier de la Légion d’honneur
Le 15 février 1836, fort du succès de son Institution, Mathias Mayer Dalmbert est nommé chevalier de l’Ordre royal de la Légion d’honneur par le Ministre de l’Instruction Publique. Une sacrée revanche pour ce polytechnicien qui n’avait pu briller à l’armée. Il décède le 23 janvier 1841.

(SHD 2YE 2797, photo SurnosTraces)
En savoir plus
Hirtz de Medelsheim dit CERF BERR, représentant de la »nation juive » d’Alsace
Arbre généalogique de la famille Cerf-Berr
Les frères Dalmbert (L’Univers Israélite, 1914) – (certaines erreurs se sont glissées dans l’article : Léonard Lazard Dalmbert n’est pas frère des deux autres ; en revanche il manque le présent Mathias Mayer Dalmbert qui est lui bien le frère des deux autres).
L’histoire fascinante des Juifs convertis d’Alsace au XIXe Siècle
Institution MAYER -D’ALMBERT (1824 – 1841) : « La Laïcité de demain ».
Quel magnifique arbre !!
Le genre de document devant lequel je peux papillonner des heures 
J’avoue j’adore aussi cet arbre
Tout à fait d’accord avec Béatrice, cet arbre est trop beau ! Et bien vu le polytechnicien pour la lettre X !