Y comme … Yehiel

Yehiel Dalsheim est cet enfant qui, à 5 ans à peine, a du quitter avec son père Isaac sa ville de Worms en flammes, ravagée par le sac du palatinat en 1689.

Savaient ils que ce départ serait définitif ? En tout cas ils ont du prendre leurs affaires et leurs économies et marcher le long des routes pour s’éloigner de cette région en guerre. Ils s’installent alors dans la région de Sarreguemines, à près de 130 km de Worms.

Si l’état civil est inexistant pour les juifs à l’époque, heureusement les archives fournissent parfois quelques documents intéressants. C’est particulièrement le cas d’une pièce judiciaire de 1709 qui nous plonge dans le quotidien de ce Yehiel qui a alors bien grandi.  

Un certain Caen est accusé d’un vol. Les autres juifs du coin sont aussitôt interrogés et Yehiel se retrouve jeté en prison le temps d’un interrogatoire. Agé de 25 ans, Yehiel (également nommé Jochel ou Daniel) Dalsheim fait du petit négoce de mercerie et quincaillerie dans la région de Sarrelouis. Un second acte, un mois après l’interrogatoire, est une requête pour le libérer car bien qu’aucune charge n’a été retenue contre lui, il est toujours en prison. Il est alors cette fois relâché rapidement, sans aucune charge contre lui. Cet acte est passionnant car il nous plonge dans la vie d’un petit marchand de mercerie qui court la campagne. Et cet acte est aussi émouvant car il conserve l’unique signature manuscrite retrouvée de cette personne, en hébreu : « Yehiel Dalsum ».

Et cette signature ne se trouve que sur le deuxième acte, vu que le premier avait été fait « un jour de leur sabbath et que leur loi lui défend » !

Interrogatoire de Yehiel Dalsheim, Archives Départementales de la Moselle, cote B 8087

Interrogatoire fait par nous François Socquette doyen des conseillers du Bailliage d’Allemagne à la requête du Procureur de son Altesse Royale au dit siège contre Jachel d’Alzem juif fils d’Isaac d’Alzem juif de Sarreguemines, auquel nous avons procédé comme s’ensuit à l’assistance de maitre Falick tabellion général en Lorraine duquel nous avons pris le serment en tel cas requis pour faire fidèlement l’interprétation et le tout rédigé par notre greffier ordinaire.

Du quinzième juin 1709 en la chambre du conseil, cinq heures du soir. Interrogé de son nom, surnom, âge, qualité, demeure, religion, après serment par lui prêté de dire vérité, a répondu qu’il s’appelle Jachel Dalzem juif demeurant chez Isaac d’Alsem son père à Sarreguemines, âgé de 25 ans. Interrogé où il était lundi et mardi dernier, a répondu qu’il est parti de cette ville lundi huit heures du matin avec son père et a couché le même jour à Foelekling (Völklingen), deux lieues en deça de Sarrelouis. Interrogé du sujet et de son voyage et de où il est allée depuis, a répondu qu’il est allé à Sarrelouis pour y vendre de la marchandise et quincaillerie comme ruban, couteau, fleuret, et autres petites marchandises.

Interrogé à qui il a vendu les dites marchandises, a répondu qu’il a vendu la marchandise à plusieurs marchands et à un cordonnier de la dite ville de Sarrelouis. Interrogé s’il ne connaissait pas Leib Caen et s’il n’a pas trafiqué avec lui, a répondu qu’il connaît le dit Caen mais qu’il n’a pas fréquenté ni trafiqué avec lui. Interrogé depuis quel temps il a vu et parlé au dit Caen, a répondu n’avoir vu le dit Léon Caen que depuis environ deux mois. Interrogé s’il a connaissance du vol commis par le nommé Leip de Rollin, a répondu qu’il ne le sait pas sinon qu’on lui a dit le jour d’hier qu’il est de retour de son voyage.

Lecture à lui faite de la présente déclaration par interprétation a dit quelle contient vérité et a persisté et a déclaré ne pouvoir signer le jourd’hui attendu que c’est le jour de leur sabbat et que leur loi lui défend.

Interrogatoire de Jachel d’Alzem juif de Sarreguemines le 15 juin 1709.
Interrogatoire de Yehiel Dalsheim, Archives Départementales de la Moselle, cote B 8087

A Monsieur le lieutenant général civil et criminel au bailliage d’Allemagne, Supplie humblement Daniel Dalsem, fils d’Isaac Dalsem juif marchand de cette ville, qui a élu domicile en tant que besoin serait en celui de son père. Disant qu’il avait été arrêté prisonnier par ordonnance pour déposer contre des juifs accusés de vol et comme il avait été élargi comme n’étant point criminel sans cependant qu’il y ait ordonnance de main levée de sa personne il se voit obligé de vous présenter requête pour lui être sur ce pourvu. Considéré Monsieur il vous plaise commettre la main levée provisionnelle de sa personne en définitif pour pouvoir vaquer et négocier à ses affaires et ferez bien.

Requête de Jachem d’Alzem juif de Sarreguemines,du 5 juillet 1709.

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