Si on connait tous les trompettes de la renommée, on connaît peut-être moins celles de cavalerie. Ces trompettes de cavalerie auront eu un rôle essentiel dans les armées de Napoléon. 28 sonneries différentes pour autant d’ordres déterminants l’action et la vie du régiment. Ces soldats à part, situés en tête de colonne immédiatement aux côtés du colonel du régiment, bénéficiaient d’une solde plus conséquente et surtout d’un superbe uniforme et d’un cheval souvent blanc pour les distinguer de leurs camarades.
On s’intéresse ici au destin hors du commun d’une famille juive installée à Versailles vers 1800, la famille Samson. Cette famille a donné à l’Empire pas moins de 5 trompettes enrôlées dans de prestigieuses unités de la Garde Impériale. Le père Jacob Samson, originaire de Bruchsal en Allemagne, déclare en 1808 avec sa femme Brunette Garçon originaire d’Amsterdam, pas moins de 12 enfants : Lazare, Louis , Jean, Simon, Alexandre, Charlotte, David, Rachel, Jacob, Abraham, Pauline Brunette, Garçon.
Mes recherches dans les archives militaires ont permis d’identifier 5 frères engagés comme trompettes de cavalerie. Revue de détail de cette fratrie engagée sous les drapeaux :
Alexandre Samson (1790 – 1856)
Mesurant 1m78, Alexandre est un grand gabarit pour l’époque (la taille moyenne des soldats est alors d’environ 1m64). Alexandre entre à 16 ans au service avec son frère Simon le 10 août 1806, tous deux trompettes au régiment des dragons de la garde Impériale. Ils font de nombreuses campagnes : 1806 en Prusse, 1807 en Pologne, 1808 en Espagne, 1809 en Autriche, 1812 en Russie, 1813 en Saxe, 1814 en France. Ils ont notamment participé aux célèbres batailles de Friedland, de Wagram ou de Leipzig et ont été jusqu’à Moscou. Lors de la retraite, Alexandre est fait prisonnier à la bataille de la Berezina. Sa libération semble avoir été rapide (échappé ?) puisqu’il a pu faire la campagne de Saxe dès 1813. Il participe ensuite à la campagne de France de 1814, blessé par une balle qui lui a traversé l’avant-bras droit au cours de l’affaire de Longeau (sud de Langres) le 13 janvier 1814. Son régiment participe en 1815 à la bataille de Waterloo.
Il poursuit sa carrière après la chute de l’Empire et est nommé Chevalier de l’Ordre royal de la Légion d’honneur en 1826. Il se marie en 1827 et aura au moins deux filles.
Simon Samson (1789 – >1833)
Simon, 1m77, suit Alexandre et entre à 17 ans comme trompette au sein du régiment de dragons de la garde impériale. Ils font ensemble alors plusieurs campagnes : 1806 en Prusse, 1807 en Pologne, 1808 en Espagne, 1809 en Autriche, 1812 en Russie, 1813 en Saxe, 1814 en France. Ils ont notamment participé aux célèbres batailles de Friedland, de Wagram ou de Leipzig et ont été jusqu’à Moscou. Lors de la première restauration, ce corps des dragons est réorganisé en gardes du corps du Roi le 20 juillet 1814. C’est à partir de ce moment que l’on perd la trace de Simon. En effet, alors que de 1806 à 1814, on retrouvait Simon et Alexandre côte à côte dans les registres militaires, avec un parcours semblable, c’est à partir de 1814 que la trace des deux frères semble diverger.
Eugène Jean Samson (1788 – >1811)
Né en 1788, mesurant 1m66, Eugène entre à 17 ans le 6 prairial an 13 (26 mai 1805) comme trompette dans le régiment de dragons de la Garde Impériale. Il est en Prusse en 1806 et 1807 et participe à la bataille de Friedland. Il a été rayé de l’armée en 1811 sans plus de précision ni descendance identifiée.
Félix David Samson (1794-1817)
David Samson, né à Versailles en 1794, petit gabarit de 1m54, est admis à 17 ans comme élève trompette aux chasseurs à cheval de la Garde Impériale le 24/10/1811, puis trompette le 12/2/1813. Il décède de blessures le 16/02/1817 à l’hôpital royal de Versailles, alors trompette au 1er régiment de cuirassiers de la Garde royale, escadron Beaucaire. Il ne laisse aucune descendance.
Jacob Auguste Samson (1798-1828)
Né à Versailles en 1798, Jacob Auguste, mesurant 1m56, est admis à l’âge de 13 ans (!) comme élève trompette le 13 octobre 1811. Nommé trompette le 14 février 1813, il fait les campagnes de 1813 en Saxe et 1814 en France. On le trouve en 1814/1815 comme trompette dans le 2e régiment de chevau-légers lanciers de la garde impériale (appelés les « écrevisses » pour leur tenue rouge). La notice de son régiment indique comme combat mémorable celui du 18 juin au Mont St Jean, c’est à dire Waterloo. Cet Auguste a donc participé à cette bataille historique, et est ensuite « resté en arrière en juillet 1815 » sans plus de précisions. Il épouse en 1822 Félicité Patris et aura une descendance.
Aux côtés, de cette prestigieuse fratrie de trompettes, deux autres frères également militaires mais aux parcours contrariés :
Isaac Samson (1787 – >1804)
L’aîné de la fratrie Isaac s’engage à 17 ans le 11 fructidor an 11 (29 août 1803), pour 5 ans, comme soldat dans la garde de Paris. Hélas (ou heureusement ?) il est réformé très peu de temps après le 29 prairial an 12 (18 juin 1804), sans laisser de trace ni de descendance identifiée. Son engagement si jeune semble marquer une démarche volontaire. Pourquoi a t il préféré rejoindre cette Garde de Paris récemment créée par Napoléon ? Son parcours avorté dans l’infanterie a t il orienté le reste de ses frères à opter pour la cavalerie ?
Abraham Samson (1802-1843)
Né le 21 septembre 1802 à Versailles, le cadet Abraham arrive trop tard pour rejoindre ses frères sur la voie des trompettes de cavalerie. L’Empire touche à sa fin. Et si l’on ignore son parcours, on le retrouve garde-chiourme en 1842, « Fusilier à la 2e compagnie d’agent de surveillance », c’est à dire surveillant au bagne de Rochefort où il décède.
Pourquoi tant de trompettes ?
Est-ce la cavalerie ou la musique qui attira les frères Samson ? Le prestige de l’uniforme, le goût du risque et de l’aventure ? La perspective d’une solde plus conséquente ? La volonté de subvenir rapidement à ses besoins ? Le désir de modifier la trajectoire suivie jusqu’alors par leurs ancêtres commerçants et de s’intégrer en France où ils pouvaient devenir des citoyens comme les autres ?
L’exceptionnel destin de cette fratrie qui a sonné les charges de cavalerie dans tout l’empire napoléonien s’explique certainement par un peu tout cela mais aussi en partie par la présence à cette époque à Versailles d’une Ecole de trompettes de cavalerie, créée en 1803. Un arrêté de Bonaparte premier Consul du 14 ventôse an XI (5 mars 1803) prévoit ainsi que l’école nationale de musique militaire prendra la dénomination d’école de trompette, installée à Versailles. Elle accueille 60 élèves, exclusivement choisis parmi les enfants de troupes de 16 à 18 ans, avec un solde de 70 centimes par jour, pour une instruction de deux ans maximum. Seul Jacob Auguste Samson, plus jeune et dernier des trompettes de la fratrie, ne respectera pas cette limite d’âge, engagé dès ses 13 ans.
On retrouve dans les archives du Roi de Hollande (alors Louis, frère de Napoléon), toute une présentation de l’organisation et du fonctionnement de l’Ecole de Trompettes de Versailles, qui lui avait été manifestement adressée pour servir de modèle en Hollande.
L’ascendance et la descendance de cette famille a fait l’objet d’un article détaillé dans la revue de l’association Genami (numéro 77 , septembre 2016).
Que de valeureux Samson ! Dommage que ce ne soient pas des » Mardochée Samson » .Nous pouvons être fiers de tous cependant.